Lettre à mon père (11) – Roland Bideau

Lettre à mon père (11)

Je suis en philo, mon père et Monsieur Hervé ont parlé de mon avenir d’étudiant, et mon prof de philo promet de joindre à mon dossier de demande d’inscription en hypokhâgne (Lettres Supérieures) une recommandation élogieuse – Et me voilà admis, septembre 1962, au Lycée Henri IV en classe de ‘ HK1’ – Après mon frère aîné, et ma sœur – Seulement voila, je ne resterai qu’un an, puis ai  été prié de suivre un circuit universitaire classique. Au fond, je retrouve, dans les faits, cette dévalorisation si nocive, due à ma situation au milieu de gens plus brillants que moi – Ca te rappelle quelque chose, Roland ?

Mes parents louent une chambre d’étudiant à Sèvres, et j’ai bien du mal à y rester un trimestre, malgré le plaisir de traverser le Jardin du Luxembourg tôt le matin, pour aller de la Gare Montparnasse au Lycée, en remontant la rue Soufflot.

Et je réintègre la maison familiale d’Auffargis. Avec cet échec qui me mine – sans que j’en aie vraiment conscience. D’ailleurs, je ne garderai aucune des dissertations de cette année-là – même pas celle sur La Fontaine, malgré le 9 sur 20, une des meilleures notes de la classe.

Cet été-là, j’ai travaillé à la Gare Montparnasse, pour me faire de l’argent de poche, que je dépenserai en places de cinéma. Une vie sociale alors réduite, car j’y suis seul, parce que fermé sur moi-même.

C’est de mémoire que je fais état ici – pas de complaisance.

5 commentaires sur “Lettre à mon père (11) – Roland Bideau

  1. Une université classique n’est pas dévalorisante à mes yeux et regardez cher Roland tous les autodidactes qui ont réussi, dans de nombreux domaine, vous avez suivi un cursus universitaire… pas si mal, vous pouvez être fier, vous avez une réelle valeur, vos textes le démontrent. Merci pour votre page si sensible, merci de continuer à écrire, vous nous interpellez chaque fois un peu plus. MERCI

  2. Dure période… Mais chacun a sa place et son rôle en ce monde, et, avec le recul, on peut penser :
    « la vraie moralité ne consiste pas à suivre les chemins battus, mais à trouver la voie véritable pour nous-mêmes et à la suivre avec intrépidité »… C’est Gandhi… et je trouve ça très beau.^^

  3. Merci Gambero, Merci Adeline – Sentiment d’échec, sentiment de réussite… –
    OUI, pas mal la Fac, en fait!- ‘Suivre sa voie avec intrépidité…’ Belle formule ! Et la valeur que l’on A effectivement –
    Et le sens du partage-
    Vos deux commentaires sont connexes !
    Amitiés
    Roland

  4. L’adolescence est sûrement le moment le plus difficile de l’existence. On sort d’une vie sans trop de problèmes et on passe dans celle où il faut se prendre en charge, déterminer ce qu’on sera faute d’être ce qu’on veut. On ne sait pas toujours comment y parvenir. À cet âge de la vie, un échec est vécu comme une catastrophe et conduit souvent à un refus d’être. C’est un moment aussi crucial que celui du passage à la retraite où l’on se trouve face à soi-même. Ce sont deux passages déstabilisants, le premier est le moment du choix de toute une vie future, le second celui du bilan d’une vie accomplie en se regardant dans le miroir.
    MJM

  5. Commentaire vraiment intéressant et juste – Merci ! – Mais l’âge de la retraite est celui , encore, de toutes les possibilités et de toutes les libertés.C’est aussi le temps du partage de notre expérience de vie, quelle qu’elle soit, avec les autres – Roland

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