Adeline Ribierre, écrivain : “La mission du farfadet”, chapitre 9

Suite du cadeau ! Une autre tendre histoire écrite par l’amie Adeline Ribierre et dédiée à ses quatre enfants. Adeline qui, rappelons-le, a publié plusieurs recueils que l’on peut (que l’on doit ;o) trouver ICI [clic !] ! Merci Adeline.

CHAPITRE NEUF

— Quoi ? Mes… mes parents ? Mais… Je suis coupable d’un crime impardonnable ! J’ai volé quelque chose dans la forêt magique ! Il faut… me mettre en prison, m’exiler, enfin, je ne sais pas, moi !

— Oui, mais ça ne servirait pas à grand-chose. Est-ce que vous me jurez de ne jamais recommencer ?
— Evidemment. Ca n’a rien d’agréable, d’être rongé par le remords.
— Bon. Alors, puisque ce qui est fait est fait, autant que ça serve à quelque chose. Allons, en route ! C’est par où, la Montagne des Dragons ?
— Oh ! Euh… Mais… Pourquoi tenez-vous à aller là-bas ? Ce n’est pas un endroit très fréquentable pour un Farfadet, vous savez…
— Ne vous inquiétez pas. La chance me sourit, on dirait : mon voleur s’est présenté à moi tout seul ! Et puis il me reste une mission à accomplir, alors je ne peux pas rentrer tout de suite. Qui sait, vous pourrez peut-être m’aider.
— Bon, eh bien, alors, si vous insistez… D’accord.

A ce moment-là, un rayon de soleil orangé vient chatouiller le nez de Loa-Doa à travers les troncs d’arbres. Le soir approche.

— Nous partirons demain, décide-t-il.

A l’aube, le dragonnet emballe les trois joyaux dans une grande feuille de plante aquatique, attachée en petit balluchon à l’aide d’une tige de lierre. Il suspend le paquet à un petit bâton et se trouve prêt à partir.

— A pied, ça va être long, dit-il à Loa-Doa.
— J’ai une idée.

Le jeune Farfadet lance une suite de cris rauques dans toutes les directions, en espérant que son message sera entendu. Son compagnon scrute le ciel avec curiosité.

Quelques minutes passent, et soudain, un grand oiseau gris, noir et blanc apparaît au-dessus de leurs têtes et descend se poser sur la mare en cacardant : c’est une bernache. Une sorte d’oie sauvage.

— C’est toi qui as appelé ? demande-t-elle à Loa-Doa.

C’est alors qu’elle aperçoit l’étrange créature qui se trouve à ses côtés. De surprise, elle fait un bond de côté et lance un gloussement.

— Mais… Qu’est-ce que c’est que ce truc ?! Ma foi, si ça n’était pas aussi petit, ça ressemblerait presque à un dragon !

L’intéressé regarde ailleurs, très vexé malgré sa longue habitude de ce genre de réflexion.

— C’est bien un dragon, madame la Bernache. Il ne vous fera pas de mal. Il s’appelle… Heu…
— Mon nom est Sârdâkvâr, dit le dragonnet d’un ton boudeur. Mais si vous préférez m’appeler « demi-portion », ou « ce truc », ne vous gênez pas, surtout, hein.
— Bon, alors voilà, reprend précipitamment Loa-Doa. Vous allez bien vers le Nord, madame la Bernache ?
— Bien sûr, c’est le printemps, la saison du retour de migration. Je suis même presque arrivée. Avec les copines, il ne nous reste plus qu’à survoler la Forêt Magique, passer par-dessus la Montagne des Dragons, traverser le Fleuve Pourpre et nous serons à la Plaine des Cent Lacs, notre résidence d’été.
— C’est bien ce que je pensais ! s’écrie Loa-Doa qui sautille en battant des mains, faisant voler les feuilles de laurier de sa tunique. S’il vous plaît, Madame la Bernache, auriez-vous la gentillesse de me transporter sur votre dos, jusqu’à la Montagne des Dragons ?
— Mais… Qu’est-ce que vous allez faire là-bas ? s’étonne l’oiseau. Ce n’est pas un endroit fréquentable !
— Je sais, mais… il le faut. Vous pourriez me déposer un peu avant pour ne pas avoir à vous approcher des dragons.
— Bon, si ça peut vous faire plaisir… Vous n’êtes pas trop lourd, j’espère ?
— Je pèse autant que trois fois rien, affirme le Farfadet. Oh ! Merci, madame la Bernache ! Comment vous prouver ma gratitude ?
— Allons donc ! Nous autres bernaches et autres oies sauvages aimons rendre service. L’une de nos aïeules est même célèbre pour avoir promené à travers toute la Suède le petit humain : Nils Holgersson, ça vous dit quelque chose ?nils_holgersson

Loa-Doa secoue la tête : il ne connaît rien à ce qui se passe en-dehors de la Forêt Magique, et ça ne l’intéresse pas outre mesure. A cet instant, il est surtout très soulagé de ne pas se retrouver avec une autre mission sur le dos : réaliser un souhait de bernache !

— Bon, eh bien, si vous êtes prêts… Allons-y ! dit le grand oiseau.

Et, avec Loa-Doa bien assis à califourchon sur son dos, tout près du cou, la Bernache s’envole majestueusement vers le ciel.

Elle bat des ailes avec grâce et ne semble pas souffrir du poids du Farfadet. Elle est à la pointe du grand V que forment ses amies, comme une flèche pointant vers le Nord. Par-dessus son épaule, Loa-Doa contemple émerveillé l’immense tapis vert de la Forêt. De là-haut, il aperçoit de temps en temps quelques-unes des créatures qui l’habitent : des nymphes qui dansent en rond autour d’une fontaine, une horde de centaures galopant à travers bois, un géant dont la tête dépasse au-dessus des hêtres, ou encore deux minotaures en train de s’affronter au milieu d’une clairière, cornes en avant. Quel spectacle !

Sârdâkvâr, en revanche, ne profite guère du voyage : avec ses petites ailes de chauve-souris et son balluchon à la patte, le malheureux dragon vole en zigzag, monte, descend, remonte, souffle et crache des étincelles qui le font tousser.

Courageux, il ne se plaint pas : c’est peut-être pour lui le moment de prendre un nouveau départ dans la vie.

La Forêt magique est grande : il faut deux jours aux voyageurs pour voir apparaître à l’horizon la barrière rocheuse percée de grottes obscures où vit, depuis des millénaires, le peuple des Dragons.

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