Triolet – Aragon

Saint-Arnoult en Yvelines. Presque beau temps. La maison d’Elsa Triolet et Aragon nous tend les bras. Et nous y retournerons car l’endroit est beau, spectaculaire d’une certaine manière. Il est habité par la présence de ces deux êtres hors du commun dont la tombe repose à flanc de coteau. Nous ne vous décrirons pas l’intérieru, il faut y aller ! Dans les dépendances quelques expositions en cours : Bernard Rancillac, « les murs ont la parole », affiches de mai 68, et à l’extérieur Rachid Khimoune et ses « enfants du monde » déjà aperçus ICI. Bonne visite ! (sans oublier plus bas « J’arrive où je suis étranger », d’Aragon)

J’arrive où je suis étranger

Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps
C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
A l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger

Aragon

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